Background 4: Songes

Une nuit de printemps au balcon d’un riche arbre-maison d’Yrkanis.
Une silhouette s’avance, poussant les rideaux d’une main délicate.

La silhouette se dévoile à la lumière d’une des lunes d’Atys, celle-ci baignant déjà la cité d’une lueur apaisante…

Posant ses coudes contre la rambarde du balcon, la silhouette se mit à observer la belle Yrkanis qui se dévoile sous ses yeux.

- Serae, que faites-vous, venez donc vous coucher vous avez une longue journée demain !
- J’arrive Cirilio, un instant je vous prie !

La Matis soupira, on ne saurait dire si c’était de l’exaspération ou de la fatigue, sûrement un peu des deux…

Serae Yunalessia di Taroon, noble matriarche de la maison Taroon, voilà ce qu’elle était devenue, cette reconnaissance que lui avait accordé le roi en personne et qui lui valait d’être là ce soir…

Yuna se remémora longuement ce qu’elle avait fait pour en arriver là, son arrivée à Yrkanis, sa jeunesse dans l’ordre Alkiane, la guerre des temples, puis sa vie de militaire chevronnée au sein du Cercle des Profondeurs à combattre le Kamisme sous toutes ses formes et particulièrement sa forme homine… puis sa retraite chez les Seigneurs de l’Aube et son accession finale à ce qu’elle désirait depuis toujours… la rédemption de sa famille.

12 ans de sa vie… elle avait consacré 12 ans de sa vie à la Karavan… Yuna compta les années… et pourtant elle était perturbée, cela avait-il servit à quelque chose ?
12 ans… pour finalement retrouver son titre sur un duel face à un noble un peu trop impétueux, la Matis se demanda si cela ne fut pas que pure perte, non bien sur elle ne devait pas blasphémer, Jena lui avait donné la force d’en arriver là, tout cela c’est grâce à elle !

Yunalessia se remémora alors les évènements de ces deux dernières années… son adoubement par le roi d’abord, elle repensa avec fierté à ce jour là… même si elle ne portait pas le roi dans son cœur avant cette journée, cette fois elle aurait pût faire tout ce qu’il lui demanderait…
Puis sa retraite guerrière ensuite, elle déposa ses armes, et remercia la maison des Seigneurs de l’Aube, il était temps pour elle de refonder sa maison…
Très vite des Matis en manque de gloire la rejoignit, elle fût rapidement entourée de garde, de domestique et de tout ce qui fait vivre une maison Matis.
Puis les bals mondains, la cour du roi, oh oui Yunalessia pris du plaisir à y être… au début… puis ce fut rapidement lassant, toujours sourire, toujours faire des révérences, alors qu’elle ne connaissait pas les personnes qu’elle côtoyait…
Pourtant tout cela la faisait rire, il y a des années les Taroons se faisaient persécuter et aujourd’hui ils s’inclinaient devant sa dernière héritière, les Matis étaient vraiment capable de tourner leur veste aussi vite qu’ils crachent sur leurs rivaux…

Beaucoup de prétendant impétueux se bousculèrent pour tenter d’avoir les faveurs de la Matis, même si certains obtenaient ses faveurs charnelles, rien de sérieux émanait de ces relations…
Yunalessia sortit un moment de ses songes et se retourna vers sa chambre, Cirilio y dormait à présent profondément, elle repensa alors, en souriant, à leur rencontre.

C’était un matin d’été, la noble Matis avait décidé d’aller au marché avec ses domestiques afin de sélectionner elle-même les produits.
Elle se rendit aux étales, toujours flanqué de ses gardes du corps, c’était agaçant… que pouvait-il bien lui arriver en plein milieu de la capitale ?
C’est alors qu’elle vit ce riche marchand, accompagné d’un nombre impressionnant de Mektoub de bâts, celui-ci vendait des bijoux de hautes qualités, à en juger à la lueur des ambres utilisé pour leur confection.
Yuna s’avança devant l’étalage du marchand.

- Allons noble Serae, regardait ces bijoux, ils viennent du monde entier, des régions les plus reculés d’Atys !

La Matis ne prêta pas attention aux paroles du marchand, elle connaissait par cœur leur discours, à les entendre tout ce qu’ils vendent et ce qui se fait forcément de mieux.
Pourtant cette fois-ci la Matis leva sa tête vers le marchand, celui-ci avait une allure fière, tellement il était convaincu par ce qu’il disait.
Yuna laissa échapper un petit rire.

- Et bien Serae ? Ma marchandise vous fait-elle rire ?
- Non non… hi hi.. ce n’est pas ça
- Quoi donc ?

La Matis pointa derrière le marchand, celui-ci se retourna et fut médusé par la scène…

Un de ses mektoubs était en train d’uriner sur des nattes et un chargement d’ambre !

- Oh non ! Liccia !

Le marchand accouru pour chasser le mektoub.

- C’est pas vrai ! Ma cargaison !

Yunalessia se mit à rire comme cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, le marchand furieux se retourna vers elle.

- Je suis désolé Serae, je suis confus de vous offrir ce spectacle peu ragoûtant…
- Hi hi, ce n’est rien… écoutez, passez donc me voir à mon arbre-manoir avec vos meilleures marchandises, nous discuterons affaire
- Très bien… Serae

Yuna fit demi-tour pour terminer ses courses, elle semblait ravie en revenant chez elle, cela fait longtemps qu’elle n’avait pas été si heureuse.

Par la suite, Yuna apprit le nom de ce riche marchand, il s’appelait Cirilio Cintio, un négociant en matière rare et en bijou, les deux Matis se marièrent et Yuna eu très vite une petite fille…

La noble silhouette, poussa à nouveau les rideaux et pénétra dans sa chambre, elle était richement décorée avec des plantes nées de l’imagination fantasque des botanistes royaux, sur la gauche du mur était accroché les armes de l’ancienne guerrière que fût Yunalessia, au fond se trouvait l’armure que lui avait offerte Mutenroshi son vieil ami, enfin à droite la plus belle lame que la Matis ai vu, une Vedice-Jen de qualité exceptionnelle et amplifiée créé par son amie Dorcile… elle aussi était devenue noble… du moins elle n’en avait que le titre, le Cercle n’était pas friand de ce genre de mondanité.

Yunalessia continua son chemin vers une petite chambrée, lorsqu’elle y pénétra, elle observa la plante qui trônait au centre de la pièce.
C’était une création parfaite, des pétales turquoise qui dégageait une douce lumière verdâtre et blanchâtre, au centre de la fleur se trouvaient de la fine mousse et au milieu… une petite Matis aux cheveux émeraude, elle était recroquevillé sur elle-même, dormant paisiblement…

Yuna veillait plus que précieusement sur sa fille Ismérie, elle était sa descendante, son espoir de faire revivre la maison et sa plus belle création, La petite avait deux ans maintenant.
Elle caressa délicatement ses cheveux en souriant, puis elle se mit à repenser à ce qu’elle avait entendu ces derniers jours…
Elle avait espionné un conseil de guerre des généraux de la guilde de Karavia…

- La guerre est à nos portes !
- Allons, allons, vous croyez quand même pas que ces brutes de Fyros sont assez intelligent pour mettre une armée en place et attaquer nos terres en moins de quelques lunes.
- Pourtant la maison Alkiane ne nous a pas apporté des bonnes nouvelles, elle a réussi à infiltrer des informateurs au cœur du conseil de nos ennemis, et les nouvelles ne sont pas très bonnes !
- Comment ça ?
- Les Fyros sont en train de mettre en place une légion qui porte le nom de leur empereur, la légion Dexton !
- Et alors ? Laissons les jouer aux petits soldats, cette légion ne sera jamais prête avant plusieurs années !
- Le soucis est qu’elle est composé de réfugié, devenu patriote, ces mêmes réfugiés qui ont combattu à la guerre des temples et qui combattent encore sur les Avants-Postes ! Ils connaissent donc les arts de la guerre !
- Je pense que vous, vous faites du soucis pour pas grand chose…

Yunalessia retira sa mains des cheveux de sa fille et repartit dans sa chambre…

- Je dois faire quelque chose… je ne peux pas rester les bras croisé à attendre que les Fyros détruisent le royaume et… et tuent ma fille…

La noble s’approcha de la lame de Dorcile, l’ambre qui ornait la garde et qui faisait pulser le signe infini de la Karavan s’était éteint…
Elle empoigna la garde, immédiatement une sensation envahit la Matis, elle revit en quelques secondes tous les combats qu’elle avait menés, en réouvrant les yeux, l’ambre pulsait, la lumière éclairait toute la chambre, l’épée s’était réveillée…

- Je dois agir…