Naître en eau trouble.

Radamanthe Némes Ven 22 Aoû 2008 - 4:46

La robe de sciure de la belle dame des Lacs, la Loria, usait inexorablement les jambes des matis couvertes des plaques de leur armure lourde réglementaire. Malgré la harangue de leur commandant pour accélérer l’allure, la troupe peinait pour recoller au reste de l’armée en marche, les soldats de la forêt avaient subi les assauts d’une guérilla incessante provoquée par quelques Trykers pour affirmer leur autorité sur ces terres. Le soleil semblait également avoir fait cause commune avec l’ennemi s’acharnant durement sur les matis tout au long de la journée en ce Vesperald 2499 et maintenant qu’il plongeait derrière les racines d’Atys, il semblait de plus en plus pressant au commandant Alderani de rallier le gros des forces matis.
Le vent s’était levé depuis peu et seul le frottement des pieds sur ce sol meuble se faisait entendre, Alderani n’avait de cesse d’observer son lieutenant, sa compagne, Valerano, une perle rare comme la belle Yrkanis savait en créer, le front haut, le port altier, tout en elle respirait les valeurs propres aux matis, loyauté, compétition et accomplissement esthétique et malgré ses rondeurs naissantes et les gênes causées par son début de grossesse, elle soutenait le rythme sans faillir, inspirant respect et courage aux homins épuisés. Le souffle court, les yeux dans le vide, les braves accueillaient avec soulagement la naissance du crépuscule, promesse d’une fraicheur apaisante quand l’un d’entre eux rompit le silence dans un cri puissant porté par le vent :

-« Alerte ! Ils arrivent par l’ouest ! »

La malice des trykers sévissait une fois de plus, le groupe de guérilla se ruait sur eux, dans une cavalcade inimaginable pour de si petites gens, trainant à sa suite une horde de prédateurs à la robe sombre aux couleurs de la nuit. Seule Jena sait quel stratagème ils avaient employé pour les attirer jusque là, mais ils réussirent avec une vélocité incroyable, la manœuvre de passer devant la colonne et la meute qui les suivait, telle une ombre mortelle fondant sur des homins exténués, commença le carnage parmi la troupe Matis.

-"Dos à dos ! Protégez vos flancs ! Ne vous laissez pas isoler ! "

Vociférait Alderani en maniant sa lourde épée avec précision pour écarter les crocs mortels qui le visaient tandis que les cris des soldats agonisants, mortellement touchés, couvraient les ordres désespérés du commandant.
La mêlée fût totale mais brêve car la défaite imminente, parmi ces féroces prédateurs, deux, plus énormes que les autres, semblaient guider la meute et dominer le combat, chaque coup de dents ou de griffes qu’ils portaient arrachaient la vie d’un homin dans une fontaine de sang tandis que leur cuir épais semblait les protéger avec une efficacité redoutable des armes matis. Au cœur de cette boucherie, Alderani, protégeant Valerano, réalisa que la victoire ne serait possible qu’avec une intervention de Jena et décidant de ne pas attendre après la déesse, il rassembla une poignée de vaillants soldats et brisa le cercle des monstres sanguinaires pour fuir ces lieux qui resteront longtemps honni dans leurs mémoires. Les carnassiers ayant leur lot de chair fraiche, semblèrent se désintéresser des fuyards et même les rusés ennemis ne jugèrent pas bon d’insister, ayant déjà pris soin de laisser entre eux et le festin funeste une distance considérable tout en coupant la voie qui permettrai de rallier l’armée en marche.

- « Ils ont leur compte ! Je ne donnerai pas trois dappers de leur peau pâle s’ils s’enfoncent ainsi dans les lagons !»

Lança un tryker aux cheveux verts, malgré son souffle court et le flanc lacéré par un coup de griffe, il trouva encore la force de sourire au spectacle de la débâcle matis. Celui qui semblait les guider, les cheveux d’un blond cendré légèrement en bataille, posa ses grands yeux malicieux sur les autres et répliqua :

-« Même les charognards se souviendront de ce festin offert par la folie de la guerre. Ne trainons pas ici, tout ceci ne fait que commencer ! »

(To be continued........)

Radamanthe Némes Jeu 29 Jan 2009 - 15:23

Les lunes, inondant de leurs rayons la végétation clairsemée mais riche en couleur, pouvaient suivre de leurs perchoirs le périple du petit groupe de rescapés qui s'enfonçaient de plus en plus dans des régions sauvages. Les visages affichaient une mine défaite, le moral, au plus bas, flirtait avec le sol, la progression dans la sciure qui couvrait une grande partie de la Loria sapait les dernières bribes de volonté de la troupe et c’est dans un silence angoissant qu’ils avançaient vers leur survie ou leur destination finale. La marche dura toute la nuit et ce n’est qu’à l’aube naissante qu’Alderani donna l’ordre de se reposer. D’un seul homme, les corps s’affalèrent au sol, l’un constatant la perte de son arme principale, l’autre des pièces d’armures manquantes, un troisième commençait à ressentir les douleurs des lacérations subies lors du combats, mais tous, en regardant leurs frères d’armes, s’aperçurent qu’ils voyaient leur propre reflet, seuls Alderani, Valerano et le sergent Selesna étaient restés debout et semblaient encore en état de combattre.
Sans une parole, de son regard intense, Selesna interrogea son commandant, ce dernier acquiesçant d’un hochement de tête puis fît signe à Valerano de s’asseoir et pris place à coté d’elle pour goûter également au repos tandis que Selesna s’écarta légèrement du groupe et pris position sur une bute, telle une statue, sentinelle veillant sur le camp de fortune.
A l'aube naissante, le caporal Fresco s’éveilla le premier, fourbu, courbaturé, il se dirigea vers la bute, lentement, prenant soin de ne pas marcher sur les dormeurs disséminés chaotiquement au sol, pour rejoindre Alderani, qui avait remplacé Selesna pendant la nuit dans son rôle de sentinelle.

-" Mon commandant, vous auriez du me réveiller vous avez besoin de repos vous aussi ! "

-" Moins que mes hommes caporal, moins que mes hommes, mon armure d’officier semble avoir mieux encaissé les coups et puis quel chef je serai si je ne montrai pas l’exemple. "

- " Qu’allons nous faire commandant ? Rentrer à Yrk ? Par la Yagat ! Je n’avais jamais vu de torbaks aussi monstrueux, à croire que les légendes sur les nuits où la lune noire est dans l’axe de la calebasse sont vraies !"

-" Non caporal, nous ne retournons pas sur nos pas, nous allons poursuivre, nous enfoncer dans ces terres inhospitalières et nous verrons bien, en ce sombre Vesperald nous pouvons encore espérer de belle journées pour progresser. "

-" Bien commandant, je vais réveiller les hommes. "

Et il tourna les talons sans attendre qu’Alderani confirme mais celui-ci fixait déjà l’horizon, le menton posé sur ses mains jointes, appuyées sur le pommeau de sa longue épée fichée dans le sol. Il avait donné son assentiment d’un battement de paupières sachant que Fresco, en bon soldat, allait faire ce qu’on attend de lui.

(to be continued...)

Radamanthe Némes Jeu 29 Jan 2009 - 15:27

Des journées entières s'écoulèrent où les survivants, traqués par une faune impitoyable, avançaient inexorablement vers leur destin. Alderani devînt de plus en plus taciturne, réalisant qu’il ne pourrait accomplir sa mission, il s’enfonçait avec ses hommes de plus en plus au cœur de cette Loria sauvage, sourd aux murmures de la troupe qui, malgré ses doutes, le suivait aveuglément.
Arrivé proche d'un cratère naturel offrant protection et ressources Alderani ordonna la halte, s’agenouilla pour prendre une poignée de cette poussière d’écorce dans sa main droite et la contempla un moment qui s’égrainait entre ses doigts puis se retourna pour faire face à ces fidèles soldats, sa posture était altière, ses longs cheveux noir corbeau ondulaient tel un oriflamme ondulaient au gré du vent; ses traits racés de Matis et son regard perçant imposèrent le silence sans qu'il n'ait eu mot à dire :

- " Mes fidéles soldats, mes amis, j'ai été votre commandant durant des années et pour mon plus grand malheur durant ces derniers jours encore, mais c'est fini, j'ai failli à ma tache et jeté le déshonneur sur mon nom. J'ai laissé mourir mes hommes et pris la fuite pour nous sauver, moi, celle que j'aime et l'enfant qu'elle porte et je ne suis plus digne de vous diriger. La honte est sur moi et sur ma descendance et c'est ici que je souhaite finir, en simple homin, je n'ose affronter mon roi, pour lui annoncer ma lâcheté, je ne mérite même plus le nom que je porte et j'aimerai que vous l'oubliez pour m'appeler dorénavant Némes qui dans les temps anciens voulait dire Sans nom."
Un flottement se fît sentir dans la petite troupe tandis que Valerano s'avança vers son mari et dans une attitude aussi altiére que lui, pris sa main dans la sienne.

- " Si tu as agit ainsi mon aimé, c'est entièrement de ma faute et de cet enfant que je porte, qui est ta sève. Je suis aussi coupable et déshonorée que toi et je prends Némes comme nom au même titre que toi. Par le passé tu as prouvé que tu étais un grand commandant, fier et valeureux, prenant toujours soin de tes homins et je te serai fidèle jusqu'à la mort en tant que femme mais aussi en tant que soldat."

Un silence approbateur régnait dans le cratère et la voix vibrante d'émotions, Alderani repris la parole :

-" Mes amis ! Mon épouse et moi même allons nous installer ici, mais je n'oblige personne, la disgrâce est sur moi seul, vous pouvez rentrez en fier et loyaux Matis à la capitale et reprendre votre vie, vous êtes toujours des soldats du Roi Yasson et Je vous libère de mon commandement !

Le sergent Selesna Guidoni sorti alors des rangs, le feu émeraude de ses yeux léchait de ses flammes les mains jointes des amants et d’une voix ferme elle s’écria :

-" Non ! Votre déshonneur est aussi le notre ! Nous aurions du tomber auprès de nos frères en ce soir maudit d'automne, je reste aussi !! Nous vivrons avec notre honte ici !"

Sur les dix sept survivants, quatorze s'avancèrent et d'une même voix annoncérent qu'ils restaient également et posèrent leurs fardeaux dans ce cratère paisible. Seuls trois, gardèrent leur réserve dont le caporal Fresco qui s’avança d’un pas en direction d’Alderani :

-" Folie que tout cela ! Je ne suis pas d'accord ! Je ne m’estime pas déshonoré, je vais rentrer à Yrkanis où j'enverrai des troupes vous trouver et vous répondrez alors de votre lâcheté devant Jena et le Roi ! "

Selesna avait déjà tiré ses dagues limel et une folie meurtrière dansait dans le regard qu’elle posait alors sur les trois homins, le reste du groupe, instinctivement, avait resserré l’étau sur les dissidents alors que les deux autres faisaient corps avec le caporal, tous se tenant prêts à sortir leurs armes quand Valerano s'interposa prestement, se figeant au milieu de tous et d’un signe impérieux du bras ordonna que tout mouvement cesse :

- " Non les amis ! Nous avons assez souffert ! Le sang des nôtres a suffisamment abreuvé cette maudite sciure ! " Regardant Fresco dans les yeux " Tout le mal que je vous souhaite caporal, c'est de retrouver notre capitale bien aimée. Notre belle Yrkanis. Y a-t-il pire punition que de ne plus revoir son foyer ? Ce que l’on chéri ? Ce pourquoi notre sève a coulé ? "
Fresco n’osait plus regarder Valerano dans les yeux et son regard, au fil des paroles du lieutenant, descendait inexorablement vers ses bottes. Il prit une inspiration profonde avant de pourvoir sortir ces mots :

-" Pardonnez moi Serae Valerano mais je fais ce que je crois être juste ! "

- « Alors partez et faites ce que vous croyez être juste caporal, que Jena vous garde. »

C'est soulagé d’être encore en vie et sans un regard en arrière que les trois homins se séparèrent du reste de la troupe, tandis que les rescapés commencèrent à s'organiser.

(to be continued...)

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